Annabelle Amory, artiste peintre qui met la femme au centre de son œuvre.

 

Amory - Artiste peintreRencontre avec Annabelle Amory - Artiste peintre

C’est fin février 2021 qu’Annabelle nous fait la joie de nous recevoir chez elle, pour nous parler de son parcours de femme artiste, à l’endroit même où elle crée.

Nous nous sommes rencontrées via Instagram où je suis le travail d’Annabelle depuis quelques mois ; la magie des réseaux sociaux. On vous laisse imaginer notre excitation d’une rencontre en réel avec une femme artiste peintre qui expose régulièrement et vit de son art. Le plaisir retrouvé de voir des œuvres en vrai, avec toutes leurs aspérités, leur matière, la lumière qui descend sur de l’acrylique. La puissance de voir un tableau ailleurs que sur les réseaux sociaux.

Annabelle nous parle de son œuvre singulière, faite de toiles à l'acrylique et de collages, de ses choix pour la liberté, de ses engagements de vie écologiste et féministe et de sa vision des femmes. 

Atelier Amory artiste peintre

 Atelier peinture d'Annabelle Amory

Annabelle, j’ai pu me renseigner sur ton parcours avec ce que tu as bien voulu dévoiler jusqu’à maintenant, et ce qui m’a frappée c'est qu'il est en résonance avec celui d’autres femmes artistes qu’on a pu interviewer... Tu as d’abord passé un doctorat en archéologie grecque mais tu produisais déjà ?

Oui, j’ai fait des études en premier lieu pour rassurer mes parents. C’est eux qui voulaient que j’aie un diplôme pour gagner de l’argent. Un peu pour moi aussi parce que j’avais eu un coup de cœur pour le grec ancien au collège. Le bac en poche, je voulais être vétérinaire mais je n’ai malheureusement pas pu poursuivre dans cette voie. Je me suis donc rappelé le grec ancien et me suis orientée en histoire de l’art et archéologie. Intérieurement j'ai toujours su que je n'ai jamais été trop faite pour travailler dans le monde normal de l’entreprise. Donc faire un doctorat qui dure longtemps c’était aussi le moyen de repousser le moment où il fallait entrer dans la vie active et être dans le classicisme métro/boulot/dodo. Je sentais que le système normatif du travail me tuerait. Trop de pression, de boules aux ventres. Un système qui ne me convenait pas .

Et à l’époque tu peignais déjà ?

Oui, oui je peignais depuis toute petite. On partait peu en vacances. Je passais beaucoup de temps seule. On montait des pièces de théâtre avec ma sœur, que j’écrivais. J’ai toujours créé plein de choses. Le contexte a fait que j’avais du temps passé à dessiner, à peindre, à écrire. Dans ma famille je suis la seule à créer. C’est venu tout seul.Les collages sont venus en 2013. Avant je peignais des portraits de femmes à l’acrylique avec déjà cette technique très brute, en superposition de couleurs, avec des teintes non diluées. Un courant proche du romantisme. Quelque chose de très franc. 

Je me suis mise à l’art après ma thèse, parce que j’ai tout le temps des idées. J’ai un carnet dans lequel je les note toutes. Et je ne vais pas assez vite à produire.

Amory artiste peintre collagiste

Œuvre d'Annabelle Amory - artiste peintre collagiste

La première exposition que tu as faite, la première fois où tu as montré ton travail ?

J’ai fait une première grosse expo en 2016 dans un bar à chats à Lille. Une amie m’avait prêté son lieu et ses murs. Le vernissage était plein de monde, j’ai beaucoup vendu à ce moment-là. C’était ma première expérience. Elle a été tellement concluante que ça m’a vraiment encouragé à la fin de ma thèse à me lancer. Ma thèse, que j'ai adoré faire, portait sur la place des animaux dans la relation entre les femmes et les divinités. Mais à ce moment déjà j’annonce à mon jury que je deviens artiste peintre. Et pour mes souteneurs c’était une évidence aussi.

Ensuite, j’ai caché un peu mon art à mon entourage, pour ne pas les effrayer ou ne pas me laisser freiner par cette voie dite non conventionnelle. Même encore aujourd’hui j’ai peu d’appui par l’entourage proche, ça reste un tabou. Pour certaines personnes ça n’est pas un vrai métier. 

Tu as connu des échecs dans ton parcours ?

Non pas réellement à part le fait de ne pas avoir été vétérinaire que j’ai vécu un peu comme un échec. Mais c’est drôle le fait de ne pas avoir pu le faire m’a finalement permis de me libérer du temps et a fait que j’en suis là aujourd’hui.

Amory-artiste-peintre-femmeŒuvre d'Annabelle Amory

Dans tes collages tu mets principalement des femmes en avant. Qu’est-ce que tu cherches comme réponse ou qu’est-ce que tu souhaites montrer ?

Au début je me suis posé la question parce que je ne faisais que des femmes. Je me posais la question de la démarche pour aller plus en profondeur, au-delà de l’esthétique. Je pense qu’en fait il y a souvent une partie de moi dans les toiles. Inconsciemment il y a de mon physique, de mon message dans les toiles. 

Je m’intéresse beaucoup aux femmes parce que dans la société on est les premières à être exposées à la violence. C’est comme ça que je suis devenue féministe. Pour donner la visibilité aux femmes, à travers un regard qui est aussi celui d’une femme. Quand des hommes peignent des femmes, il y a tout de suite une autre dimension. Dans mes peintures, il y a une façon de symboliser le nu qui n’a rien d’érotique. 

 

Amory-artiste-peintreŒuvre d'Annabelle Amory

Tu as beaucoup exploité les livres au départ comme objet de collage ? Comment tu crées aujourd’hui ?

Oui, pendant des années j’ai utilisé des livres, un peu au hasard. Ce qui m’intéresse c’est la couleur des pages et la différence des teintes. J’utilise les pages plus foncées pour le volume. Je travaille souvent sur fond noir avec un travail de découpage.

Souvent je choisis le nom de mes toiles par rapport à un nom de personnage trouvé dans le livre. En 2019 j’ai commencé à utiliser d’autres supports, pour pouvoir exploiter de nouveau la peinture. J’ai commencé en utilisant des cartes à jouer et me suis dit que je pouvais faire passer un message à travers la représentation et à travers le type de papier utilisé. Ça devient majoritaire dans mon œuvre désormais. Avec une revendication à travers chaque toile. 

Ma toile L’influenceuse par exemple parle des réseaux sociaux. Une fille qui se regarde dans le miroir et où il n’y a que les cartes négatives du Mille Bornes. Je voulais exprimer ici la double peine de l’image négative que l’on peut se renvoyer à soi même dans les réseaux. En essayant d’être dans la norme, en utilisant des filtres. Tu n’es pas dans TA réalité. Tu trompes ce que tu es et tu trompes ceux qui te regardent.

Chaque toile est très réfléchie avant. Le modèle, le papier et ce que je vais exprimer à travers cette toile. Parfois l’idée me travaille pendant des mois jusqu’à ce que je trouve le modèle parfait.

Je produis plusieurs toiles en même temps. Je fais le dessin du modèle avec un patron et recherche ensuite les assemblages de pièces. Le fond et le contour sont faits à l’acrylique. Ensuite en partant du papier je finis à l’acrylique. Je crée environ une toile par semaine. 

Amory artiste peintre

Dans l'atelier d' Annabelle Amory

Tu exposes beaucoup. Comment tu gères cette partie de ton métier ? Quelqu’un t’aide à trouver des lieux d’exposition ? 

A la base je suis quelqu’un de plutôt introvertie. C’est Manuel (mon compagnon) qui au départ m’a aidée sur cette partie. J’ai démarché pas mal par mail des lieux qui me plaisaient en me baladant. Depuis j’ai appris grâce aux vernissages, à aller à la rencontre du public. Mes études m’ont aidée à prendre la parole devant des amphithéâtres. Je me suis dépassée sur ce point ; je ne suis toujours pas très à l’aise mais le fais. 

Une fois que l’événement est passé, je suis toujours contente de voir l’analyse des œuvres et d’avoir le ressenti des gens. Je suis toujours étonnée d’être créatrice d’émotions. 

Tu es critique envers ton travail ?

Oui, peut-être trop. Avec des passages de doute. Notamment en me comparant aux autres. J’essaie de travailler là-dessus et sur ma confiance en moi. Avec le temps j’essaie d’être plus cool avec moi. La création fait tellement partie de moi que malgré ce manque de confiance c’est vital. Ma plus belle création c’est L’influenceuse. Créée en 2019, Cette toile m’a permis d’être fière de moi. C’est mon œuvre phare. 

Tu vends des reproductions de ton œuvre ?

Non, l’idée de la reproduction, du merchandising qui va avec me dérange. Enfin, j’aime l’idée d’une œuvre unique. Loin de la surconsommation. Dans mon couple, nous sommes très écolos. On achète en vrac, on consomme peu, si possible d’occasion. Les toiles sont d’occasion également. Je n’ai pas de voiture et transporte mes œuvres en train pour certaines expositions. 

Je milite pour l’accessibilité et l’unicité . Mes œuvres restent peu chères. J’aime savoir qu’une toile vit chez quelqu’un. Les gens peuvent même la toucher. Ce que j’aime c’est exposer.

Amory-artiste-collagiste

"L'influenceuse" par Annabelle Amory

Et ton engagement féministe ?

Je milite dans mes œuvres. J’ai beaucoup écouté l’entourage qui voulait faire quelque chose de moi que je n’étais pas. Un jour j’ai arrêté de me cacher derrière des diktats. J’ai arrêté de me raser, je porte peu de maquillage. Je me pose la question de faire les choses pour moi. Je veux montrer un autre modèle aux femmes et aux filles qui regardent mes toiles. Les aider à s’éloigner des normes imposées. Je ne veux pas d’enfant et je l'assume. Le sujet c’est d’affirmer qui on veut être. Que chacun puisse être qui il veut.

Le sujet c’est qu’après il faut aussi se trouver soi ?

Oui et il faut avoir des modèles qui inspirent. Il faut réussir à déconstruire, à sortir de l’éducation, à s’émanciper. Les études m’ont permis d’être seule, de m’éloigner, de prendre de la distance. J’ai déconstruit l’emprise de ma famille et de la société et c’est ça que j’essaie de retranscrire dans mes toiles. Sois qui tu veux, tant que c’est toi qui le veut.

Quel est ton prochain défi artistique ?

J’ai écrit un livre La grande Ourse que j’ai envoyé à des maisons d'édition. Donc mon prochain défi c’est de me faire publier. Ça parle de femmes, d’émancipation mais aussi de normes de la société. Ça se passe dans la Grèce antique. La boucle est bouclée, les sujets s'entremêlent. Mon héroïne devient, par la force des choses, une concubine. Elle est confrontée aux normes imposées par la société.

J’ai écrit ce livre en 2019. Après un travail de relecture il est désormais prêt. J’écris depuis toujours. Pour moi peinture et écriture vont ensemble. Je ne me mets pas de frein et j'ai toujours été soutenue par mon compagnon Manuel dans mes projets artistiques, quels qu’ils soient.

Amory - Artiste peintre

 

Dernière question, peux-tu nous parler de cette toile derrière toi ?

C’est L’autodidacte qui parle du syndrome de l’imposteur que l’on connaît toutes. Avec son masque, qui d’ailleurs me représente, d’une part avec une peinture et de l’autre une représentation des céramiques antiques ; les deux fois où j’ai eu ce syndrome. Tu trouves que tu n’as aucune légitimité et te rends aveugle par rapport à ce que tu fais. On voit encore une ancienne toile en dessous qui donne comme un côté schizophrène à la toile. 

 

On remercie vivement Annabelle de nous avoir reçues au milieu de ses œuvres entremêlant peinture et collage. Nous lui souhaitons de trouver un éditeur pour  La Grande Ourse. Enfin, nous avons hâte de la retrouver lors d’une prochaine exposition. 

Rendez-vous sur son site pour découvrir son univers.

Site Internet : http://a-amory.art/

Instagram : https://www.instagram.com/amory.art/

 

Entretien réalisé par Laure Rolin & Amélie Marzouk.

ITW écrite par Laure Rolin.

Crédit photos @ameliemarzouk

 

3 commentaires

  • Article super intéressant qui donne envie de mieux connaître l’artiste .

    TONG TONG MC
  • Bravo Annabelle, quel plaisir de lire ton parcours et découvrir ton travail !! Effectivement il y a quelques similitudes dans notre approche de l’art !! Au plaisir de se rencontrer !!☺️

    CLEOMY. (Myriam Vinet)
  • Bravo Annabelle, quel plaisir de lire ton parcours et découvrir ton travail !! Effectivement il y a quelques similitudes dans notre approche de l’art !!! Au plaisir de se rencontrer !! ☺️

    CLEOMY. (Myriam Vinet)

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